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Au début j’ai bien cru perdre ma voix, la parole et la mort sont comme deux personnes qui voudraient entrer dans une pièce en même temps et se gênent, demeurent bloquées sur le seuil, au début la mort devenait de plus en plus grande et la parole bégayait de plus en plus, ensuite j’ai compris qu’il fallait éviter comme la peste tout ce qu’on croyait savoir à ce sujet, tous les mots convenus sur la douleur et la nécessité de revenir à une vie distraite, j’ai compris que, comme pour la vie, il fallait écouter absolument personne et ne parler d’une mort que comme on parle d’un amour, avec une voix douce, avec une voix folle, en ne choisissant que des mots faibles accordés à la singularité de cette mort –là, à la douceur de cet amour-là.
Christian Bobin, La plus que vive, éditions Gallimard, 1996.